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28/02/2005

Les dessous de la vie littéraire (4)

« Alors, et ton livre ? »

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Mon entourage compte peu de véritables amateurs de littérature. En général ça ne me pose pas trop de problème, je me sens juste un peu gêné d’être pris pour une bête de cirque sitôt que j’en viens à prononcer le mot « livre ».
Il y a des fois, quand même, où je me sens vraiment déplacé. La conversation est animée, l’ambiance légère, on ne s’est pas vus depuis plusieurs mois. A la faveur d’un silence quelqu’un se tourne vers moi :

« Alors, et ton livre ? »

Il y a tout plein de bienveillance là-dessous, une réelle envie de bien faire. On veut montrer qu’on s’intéresse. Et moi, devant tant de sollicitude, qu’est-ce que je fais ? Je réfléchis. J’essaie mentalement plusieurs réponses. Si j’opte pour « Ca va bien, merci. », on me regardera avec une insistance presque blessée parce que je n’en aurai pas dit assez. Si je demande : « Lequel ? » avec pour seule intention de répondre précisément à la question posée, je passerai pour un prétentieux. D’autant qu’en face on n’a jamais lu une seule ligne de moi. « Ton livre », ça pourrait tout aussi bien vouloir dire « ton commerce », « ton club de foot » ou « ton correspondant australien». C’est quelque chose de singulier, de non identifié. Un endroit qu’on respecte parce qu’on m’aime bien mais où l’on ne mettra jamais les pieds.
Alors je bafouille un truc, je bredouille un machin et pour finir j’accouche d’une réponse indécryptable. Il n’en faut pas plus pour que la conversation glisse furtivement sur un autre sujet. La parenthèse se referme pour plusieurs mois. Jusqu’à ce moment où quelqu’un, au cours de revoyures chaleureuses, me reposera la question :

« Alors, et ton livre ? »

18:15 Publié dans Livre | Lien permanent