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31/07/2005

Nouveau petit bout de Bresse

(...)

En trois coups de pédale j’atteins la route d’Attignat, en cinq je la quitte pour entamer le chemin des Poulattes. Il y a plein de baraques à chiens dans le chemin des Poulattes, avec au portail des Cerbères prompts à glapir. Encombrant comme décoration. Ça empiète sur l’espace sonore public, ça demande jamais pardon et j’imagine que ça chie partout.
N’y voyez pas de rancoeur particulière, monsieur le commissaire. Je ne suis pas un écorcheur de clébards. Je vous dis les choses comme je les pense, pour que vous ayez une idée plus complète de ma petite personne.

Bon, je passe la dernière baraque à chiens, je m’engage sur le chemin de terre qui se prélasse entre les champs, et je tourne à gauche pour m’envoyer un bout de forêt dans les guibolles. C’est cabossé là-dedans, il y a toujours de vieilles flaques boueuses, des bosses, des creux, des ornières comblées avec des tuiles éclatées. Ça secoue, ça fait vibrer la bécane, ça chatouille et ça défoule. J’aime bien. D’habitude.
Là, j’ai pas aimé. Ça m’est tombé sur les épaules sans dire bonsoir. C’était lourd, chaud, ça sentait la mort, c’était poisseux, et ça voulait plus me lâcher. Réflexe de survie, je me suis cramponné au guidon, j’ai écrasé les pédales et j’ai réussi à me rétablir. J’ai entendu un bruit tout mou derrière moi. Lorsque un peu de distance s'est installé entre le bruit tout mou et moi, j’ai jeté un oeil, un tout petit, vers l’arrière. C’est là que je l’ai vu, étalé dans la poussière, pissant le sang par plusieurs trous, son regard fusillé lancé à mes trousses pour implorer mon aide. J’ai aperçu aussi les trois autres avec leurs couteaux. Pas pu détailler leurs binettes, faut me croire. J’ai eu surtout le temps d’appuyer sur les pédales et de filer. Lui non plus, par terre, j’ai pas pu le remettre. Peut-être qu'on se connaissait. Peut-être pas. En tout cas, j’avais trop les foies pour lui demander ses papiers.
Je saurais pas vous dire si les types ont tenté de me rattraper. Le fait est que la bécane de l’oncle Simon et bibi, on les a scotchés sur place. Ça sifflait autour de nous, ça vrombissait, ça éclatait sous les pneus, ça éclaboussait aussi pas mal. Au bout du compte ça me faisait un peu de compagnie dans les oreilles. Pour m’aider à oublier que j’étais seul dans la forêt avec des types à gros couteaux, et un autre, percé de partout, qui m’avait laissé un souvenir poisseux sur l’épaule.
Cette tache de sang que vous voyez là, c’est d’elle dont je vous parle monsieur le commissaire. Les autres ne sont pas de lui.
Dieu seul sait ce que le pauvre gars est devenu. Pas grand chose sans doute, vu le peu qu’il lui restait à vivre. Enfin, vous en apprendrez certainement plus que moi bientôt. C’est votre boulot, sans vous commander. Le tout étant que des types emmanchés de couteaux de charcutiers perdent l’habitude d’effaroucher le cycliste dans les forêts bressanes.

(...)


(extrait de : La Bresse dans les pédales, éd. Nykta 2005)

12:36 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (19)

Commentaires

Georges-Olivier Châteaureynaud a eu la Bourse Goncourt de la Nouvelle pour Singe savant tabassé par deux clowns (Grasset).

Je voulais mettre ce commentaire où il faut mais le lien est permanent, impossible de poster, désolée Roland...

Écrit par : Calou | 31/07/2005

Qui a gagné la course du bon gourd de la nouvelle ?

Écrit par : Nuel | 31/07/2005

C'est la Bresse !
(Et toc, on revient au sujet à commenter... ceci dit sans animosité envers G. O. Châteaureynaud, que je félicite pour ce prix même si le prix le plus important, c'est quand même celui qui est décerné par l'académie Fuentès, et celui-là, ça fait longtempsd qu'il l'avait obtenu le père Châteaureynaud...)
Bon, alors, la Bresse, disais-je.

Écrit par : Roland Fuentès | 31/07/2005

oh, en l'état, rien ne bresse

Écrit par : louise | 31/07/2005

d'accord avec lui (vous) pour les chiens...;-)

et j'ai prévu de prendre mon vélo demain pour aller acheter votre livre...

Écrit par : Loui | 01/08/2005

Sympa, Louis. Fais gaffe aux affreux du bois ! Même à Péronnas, on n'est jamais sûr de ce que la route nous réserve...

Écrit par : Roland Fuentès | 01/08/2005

C'est plutot les voitures et les camions qui réservent des surprises...mais bon...;-)

Écrit par : Loui | 01/08/2005

C'est plutot les voitures et les camions qui réservent de droles (pas toujours en fait) de surpises...mais bon...

Écrit par : Loui | 01/08/2005

Ton blog aussi, et tes dessins, réservent pas mal de (bonnes) surprises, à mon avis. Il y a une personnalité inspirée qui se profile là-derrière. Dommage effectivement que ton hébergeur bogue autant en ce moment... on n'a pas accès à grand chose.

Écrit par : Roland Fuentès | 02/08/2005

wahoo...merci pour ce commentaire...je...bien, merci...il ne faudrait pas que l'inspiration me lache...mais...merci...

Écrit par : Loui | 02/08/2005

Toujours des problèmes d'ordi Roland ? En attendant pas de nouvelles bressanes de mon libraire ! à plus !

Écrit par : Ray | 07/08/2005

Plus de problèmes d'ordi, Ray. Concernant la pénurie de "Bresse dans les pédales" à Montpellier, c'est bizarre : j'ai vu que Sauramps a mis le bouquin en fiche sur son site, avec une reproduction de la couverture. C'est donc qu'on peut se le procurer chez eux. Peut-être des problèmes de stock (il s'écoule actuellement 10 000 exemplaires par semaine et l'éditeur a du mal à assumer les multiples retirages... sans compter qu'avec la forêt amazonienne qui se dépeuple et tout).

Écrit par : Roland Fuentès | 07/08/2005

Je me demandais pourquoi y a tant de camions sur la route merci Roland !

Écrit par : Ray | 07/08/2005

10.000 exemplaires par semaine !!!
C'est mieux que le Goncourt ! Dis-donc, Roland, qu'est-ce qu'on boit couramment du côté de Bourg ?

ps: et la petite dernière, elle est arrvée ?

Écrit par : P.A.G | 10/08/2005

Euh, on boit, hum... des zéros (peut-être qu'il faudrait en enlever 2 ou 3 pour être très exact, mais bon...).
La petite dernière (Capucine) est arrivée, oui, le 2. Elle est déjà en train de lire du PAG, je lui dis qu'il ne faut pas brûler les étapes, elle me répond que ça la fait marrer toutes ces histoires de radis bleus, d'éternité inutile et de vie bien ratée. Bon.

Écrit par : Roland Fuentès | 10/08/2005

CAPUCINE! Ça c'est vraiment extra comme joli prénom! (En tout cas beaucop mieux que Raymond; surtout pour une fillette).
Quand est-ce qu'on arrose ça ?!

Écrit par : P.A.G | 10/08/2005

Salut, Roland.
Félicitation pour cette paternité.

Écrit par : Éric Dejaeger | 11/08/2005

On arrose ça quand vous passez !

Écrit par : Roland Fuentès | 11/08/2005

Encore une fille ! tant pis pour Raymond, un vrai prénom d'écrivain pourtant !

Écrit par : Ray | 13/08/2005

Les commentaires sont fermés.