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21/09/2005

Achtung Zelig !

Gawronkiewicz / Rosenberg
BD
Casterman


«Ici, les auteurs n’ont pas hésité à mêler le fantastique, le drame, le grotesque pour parler de la Deuxième Guerre mondiale, du nazisme et de l’antisémitisme. C’est la réponse d’une génération nouvelle au politiquement correct, qui raconte, lui, continuellement les mêmes histoires. Et qui conduit l’artiste et chacun à mourir tout le temps, à chaque instant.»
Ainsi s’exprime Rosinski, fort justement, dans la postface qu’il consacre à cet album déroutant. En effet, ces deux auteurs sont parvenu à imprimer leur patte très particulière à un thème pourtant rebattu. L’horizon d’attente du lecteur s'y trouve sans cesse chamboulé, tant sur le plan narratif que graphique.
Nous sommes dans une forêt, aux abords d’un village juif, durant l’holocauste. Les Zelig, père et fils, qui vivaient à l’écart du village en raison de leur apparence, monstrueuse pour l’un, grotesque pour l’autre, ont pris la route. Ils croisent un convoi allemand qui déporte une étrange population : des chats… Le ton est donné : nous ne lirons pas une reconstitution historique destinée à commémorer les souffrances du peuple juif (ici, la communauté juive est présentée sous un angle peu glorieux puisqu’elle aussi rejette ceux qui sont différents), et nous emprunterons les chemins de la fantaisie. Alors qu’on attendrait un interrogatoire où la cruauté de l’officier SS n’aurait d’égale que la candeur de ses victimes, celui qui semble diriger le convoi n’est qu’un petit bonhomme affublé d’un chapeau et d’une cape d’alchimiste, une espèce de petit enchanteur Merlin au rabais, qui commande, mélancolique, une troupe de soldats allemands rigolards. L’interrogatoire se déroule autour d’une bonne bouteille, sur une table bien mise (en plein cœur d’une forêt alors que la guerre fait rage autour), et il prend l’allure d’une confidence fraternelle. Plus tard, lorsque le convoi aura maille à partir avec les patriotes résistants polonais, la scène du combat, ignorant tout souci de vraisemblance, sera relatée sous la forme d’un schéma publicitaire pour catalogue de vente par correspondance. Rosinski compare à juste titre ce type d’humour à celui de « La vie est belle », le film de Benigni. La comparaison s’impose, mais elle s’arrête là : tandis que Benigni se gaspillait en explications pédagogiques pour être assuré que son intention soit comprise, les auteurs du présent album font preuve d’une sobriété bienvenue.
La mise en page est très variée, qui alterne de larges plans assez impressionnants, et des scènes au cadrage très serré. Dans les réactions des personnages, tout manichéisme est soigneusement évité, on pense aux dessins animés de Myasaki, où les personnages paraissent tour à tour monstrueux et attachants.
Voilà décidément une BD de son époque. Et deux auteurs polonais que l’on aimerait suivre encore longtemps.

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