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08/02/2005

Les dessous de la vie littéraire I


(rubrique destinée à ceux qui, comme moi-même voici encore peu de temps, n'y connaissent rien, mais alors vraiment rien, à la vie du livre. Ceux qui connaissent tout, mais alors vraiment tout sur le sujet, n'y trouveront évidemment pas l'ombre d'un brin d'intérêt...)


« épuisé » = « pilonné »

Il fut un temps où ma candeur était encore plus impressionnante qu’aujourd’hui.
Par exemple, j’imaginais que la mention « épuisé » auprès d’un titre dans la bibliographie de certains auteurs indiquait que le livre avait eu du succès…
C’est en signant mes premiers contrats d’édition, et en faisant plus ample connaissance avec le circuit éditeur-diffuseur-distributeur, que ma candeur a pris une claque. La mention « épuisé » signifie tout bonnement le contraire : lorsqu’un titre se vend bien, il est repris en édition de poche, ce qui pour plusieurs années le mettra à l’abri du pilon, et donc de l'épuisement. Si, sans pour autant susciter la convoitise des collections de poche, les ventes d’un titre se maintiennent sur la durée, il aura le droit d’exister un certain temps. Par contre si, passée la deuxième ou troisième année d’exploitation, le distributeur (entreprise qui gère le stockage, ainsi que les sorties et retours de milliers de titres en cours d’exploitation) constate que les sorties sont inférieures à une cinquantaine d’exemplaires par an, il a le droit de procéder à la destruction du stock restant, donc à ce pilonage tant redouté par les auteurs. A partir de cet instant, le livre ne peut plus être commandé (il aurait du mal, le pauvre, ou alors en très petits morceaux...). On dit, très prosaïquement, qu'il est "épuisé". Cinquante exemplaires : ce chiffre peut paraître dérisoire… il ne l’est pas si on considère que passé les trois mois consécutifs à leur parution la quasi totalité des livres invendus sont retournés au distributeur. Dès lors, vendre plus de cinquante exemplaires d’un titre qui n’est plus visible nulle part devient beaucoup moins évident. Les lecteurs prêts à commander un ouvrage paru deux ou trois ans auparavant, et qui n’a pas eu de succès, existent, mais ils représentent un nombre généralement inférieur à cinquante par an…Pour certains auteurs, les séances de dédicaces sur les salons littéraires sont alors un moyen de prolonger la vie d’un ouvrage devenu introuvable en librairie, et de dépasser la limite fatidique qui signifierait la mise au pilon du titre.
NB : Une autre variante existe, qui évite un temps la mise au pilon, ou ne fait que la repousser ; ce sont les livres soldés que l’on trouve dans des bacs devant les librairies. Dans le contrat d’édition classique, il est stipulé que l’auteur ne touche aucun droit sur les exemplaires vendus en solde, toutefois c’est un sort préférable au pilon, puisqu’il permet encore au livre d’être lu par de nouveaux lecteurs.



19:50 Publié dans Livre | Lien permanent