Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/12/2006

LE PASSEUR D'ÉTERNITÉ (III)

(3ème extrait)

La porte de la chambre s’ouvrit sans difficultés, mais après quelques centimètres elle buta sur quelque chose de très dur et de très lourd. Les ronflements s’interrompirent. Rien ne bougeait, nulle part. Le cœur emballé de Maladite lui remontait jusqu’aux oreilles. Il s’apprêtait à filer sans plus de précautions vers la bibliothèque lorsqu’une voix d’homme résonna derrière la porte.
«Abrégez mon calvaire, par pitié ! Poussez donc cette porte et finissons-en ! »
C’était une voix pâteuse et enrouée. Des grincements, des frottements se firent entendre. On déplaçait des meubles.
« Vous pourriez m’aider un peu ! »
Maladite se mit à pousser sur la porte, il retrouvait son assurance. Les pieds des meubles que l’autre avait entassés derrière crissèrent sur le parquet. A cause d’une poussée plus énergique du colosse, une grosse pièce, sans doute une armoire, se fracassa sur le sol.
Derrière, l’homme glapissait.
« Vous voulez donc m’assommer avant de me passer par les armes ? »
Maladite entra. Il moulina un peu dans l’obscurité, buta sur divers obstacles, et finit par saisir celui qui se cachait là. Il le bloqua contre sa poitrine, puis lui colla sa main sur la bouche. L’homme était glacé, des pieds à la tête il grelottait comme un prunier sous la gaule. Maladite dressa un bilan rapide de la situation. Pour l’autre, il appartenait à la police. Il y avait un risque énorme à le maintenir dans cette idée : se voyant perdu, le clandestin risquait de hurler son dépit à pleine gorge et de réveiller le village. Le plus simple alors serait de l’assommer. Oui, mais… Maladite serait pris de remords, il se connaissait. Le malheureux ne tarderait pas à mourir de froid, ou à se rendre à la communauté, ce qui reviendrait au même.
Le colosse desserra son étreinte.
«Tu n’as rien à craindre de moi. Qui es-tu ? »
L’autre ne répondit rien. Il se méfiait. Maladite lui colla une beigne sur l’oreille.
« Tu n’as rien à craindre, te dis-je ! Je ne suis pas à ta recherche. Mais je dois savoir ce que tu fais là ! Parle, allez, ou je t’estourbis comme un bestiau !
_ Ce que je fais là, grand navet, tu ne l’as pas encore deviné ? Je me cache, pardi !
_ De qui ? Pourquoi ? Qui es tu ? Vas-y, déballe !
_ Minute, le fier à bras ! Tu débarques ici, tu me réveilles, tu me déloges de ma planque, tu me frappes, tu me dis que tu n’es pas de la police mais tu voudrais que je te raconte tranquillement ce que je... »
Une seconde beigne s’abattit à l’endroit de la première. L’homme, pour plusieurs minutes, n’entendrait plus que d’une oreille.
« Ton nom, couillon !
_ Norbert Pélissard ! jeta le malheureux.
_ Parle moins fort, par le cul du grand barbu ! rugit Maladite entre ses dents. Ecoute plutôt : à part moi, nul ne sait que tu te caches ici. Tu n’as pas besoin de caqueter ton identité sur tous les toits du village ! Que fais-tu là, bon Dieu de bon Dieu ? Tu vas le dire à la fin ? »
Pélissard avait parfaitement saisi. Il avait surtout compris que Maladite, s’il n’était pas gendarme, n’avait pas non plus intérêt à ce qu’on le découvre. Il ignorait encore si du bon ou du mauvais se préparait pour lui. Après tout, c’était peut-être simplement la providence qui lui envoyait cet homme-là.

---

medium_Untitled-1.13.jpg


Roman à paraître aux éditions Les 400 coups, janvier 2007

16:18 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

Les commentaires sont fermés.