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27/11/2005

M le fourbe

Les oreilles d'M étaient ses plus beaux atours. Elles lui avaient rapporté nombre de succès dans le monde pendant ses jeunes années. Partout où il se produisait, son entourage n'en avait que pour ses lobes, qui plus encore que ses magnifiques pavillons concentraient l'attention. Ayant rapidement compris quel parti en tirer, M feignit de mal ouir les propos des dames. Il effectuait alors une gracieuse courbette sur sa droite, entourant de la main son oreille comme un écrin. Et la mignonne, face à cet organe resplendissant, ne tardait pas à tomber en pamoison. L'affaire était emballée.
Cette botte amoureuse en deux temps était devenue sa spécialité. Mais si elle présentait un avantage indubitable lors des premières rencontres, elle pouvait en revanche devenir horripilante au quotidien. Mathilde, qui avait subi elle aussi jadis le charme fou des lobes d'M, se mit, à la longue, à ne plus supporter les courbettes répétées de son époux. Car dans les moments où il se sentait un grand appétit d'elle, croyant la titiller, celui-ci se transformait en véritable coucou mécanique, enchaînant courbette-écrin sur courbette-écrin. Ce qui bien évidemment produisait exactement l'inverse de l'effet escompté.
Peu à peu, Mathilde évita de parler. S'imposant une discipline draconienne, elle devint au fil des années un personnage taciturne et secret dont les silences obstinés finirent par agacer son mari.

Un soir, au retour du travail, M trouva Mathilde en grande conversation avec la voisine. N'entendant pas approcher son époux, celle-ci faisait preuve avec la dame d'une volubilité inouïe. Comme une qualité longtemps cachée.

Se sentant trahi jusqu'à la moelle, M prit la mouche.

Ce fut leur seconde séparation.


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(extrait de "Embolies d'une gomme", éd. derrrière la salle de bains 1998)

11:15 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (5)

25/11/2005

Le cadeau de Mathilde

Respectueux d'une ancienne coutume familiale, M ne portait jamais de chaussettes le premier jeudi de chaque mois. Habitués très tôt à supporter le contact du cuir nu, ses deux pieds ne s'en formalisaient pas davantage.

Pour leur troisième anniversaire de mariage, Mathilde M, peu curieuse des habitudes vestimentaires de son mari, lui offrit une fabuleuse paire de chaussettes en laine d'Ecosse, qui aurait rendu jaloux plus d'un époux dans le vosinage. Pourtant, à la vue de ce cadeau, ô combien appréciable, M fut littéralement transpercé d'effroi. L'on était jeudi 2... Posée sur l'autre rive de la nappe blanche, Mathilde attendait, anxieuse, que son époux procède à la chausse de circonstance.
M prit une décision rapide. Il disparut cadeau sous le bras dans la chambre commune et s'y barricada une nuit entière pour n'en ressortir qu'au matin, fraîchement chaussé des Ecossaises.

Mathilde avait mis les bouts.

Ce fut leur première séparation.


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(exrait du recueil "Embolies d'une gomme", éd. derrière la salle de bains 1998)

10:25 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

17/11/2005

Chroniques express 7

MES TRAINS DE NUIT
Eric Faye
Ed. Stock
244 p. / 18 euros

Fasciné par cette manière un peu désuète de voyager qu’offrent (qu’offraient ?) les trains de nuit, Eric Faye se remémore ses plus belles expériences du rail. Il nous entraîne aux quatre coins de l’Europe à la poursuite des auteurs qu’il aime, et jusqu’aux sources de sa propre inspiration. A Prague, nous le suivons sur les traces de Kafka et des « kafkomaniaques », puis nous remontons dans le train jusqu’à Berlin pour y arriver à l’heure de la chute du mur ; le train repart pour Sarajevo, pour Moscou, Pékin. Illustres comme le Transsibérien, ou incongrus comme le « Kafka express », ces trains de nuit ont été pour Eric Faye des royaumes de lenteur où l’insomnie se faisait douce. Guidés par une plume satirique autant que poétique, nous évoluons dans la nuit, nous observons à travers la vitre les petites lumières des villes d’Europe, et d’Asie ; nous rencontrons des personnages pittoresques engloutis aussitôt par la nuit et la distance, nous traversons des civilisations, des empires, nous assistons à des bouleversements avec une sorte d’élan placide et contemplatif, postés devant la vitre comme devant un écran. Et nous retrouvons les ambiances, les thèmes qui ont nourri l’oeuvre d’Eric Faye. Une œuvre qui, selon son propre aveu, doit beaucoup à sa pratique des trains de nuit.

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Extrait :

« Une logique pure inclinerait à penser qu’un cerveau est à l’origine de tout labyrinthe. La familiarité acquise au fil des années avec le lacis des chemins de fer accumulés, greffés, abandonnés ou renforcés, doublés, convainc lentement du contraire. Ce n’est pas un cerveau qui conçoit un labyrinthe mais un labyrinthe qui, peu à peu, conçoit son propre cerveau. »

17:55 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2)

16/11/2005

Chroniques express 6

MA GRAND-MÈRE EN CONTAINER
Thomas Scotto
éd. Thierry Magnier
roman pour enfants
48 p. / 5 euros

Grand-mère partira bientôt à la retraite. C’est imminent, ça imprègne l’atmosphère familiale, et surtout ça intrigue beaucoup Basile, qui ne sait pas encore bien ce que ça signifie. L’occasion rêvée pour Louis, son grand frère, taquin comme tout grand-frère qui se respecte, de monter un canular. A coups de fausses confidences et de mystères savamment dosés, il va faire croire à Basile que la « re-traite », qu’il appelle aussi le « Grand Recyclage », est l’endroit où l’on recycle les gens. Physiquement. Dès lors, les quiproquos se suivent et s’accumulent pour le malheur de Basile qui imagine avec horreur sa grand-mère recyclée en compost, en papier, ou en piles toutes neuves. On passe un moment agréable avec ce tout petit roman pour enfants, dynamique et rigolo.

12:30 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (8)

15/11/2005

M et le canon déifique

Depuis qu'on l'avait traîné sur la colline, en face, le canon lorgnait la maison d'M avec un air martial. Son oeil unique, qui ne cillait jamais, épouvantait M. Et les messes que l'on dédiait au canon, là-bas, hantaient son sommeil comme autant de litanies oppressantes.
De jour en jour les offices devenaient plus nombreux. De jour en jour l'oeil du canon plus noir. M passait le plus clair de son temps au fond du lit, de peur d'apercevoir par la fenêtre le vide béant qui le fixait.
Un soir, à l'heure où la messe rassemblait la totalité des fidèles, la maison d'M s'écroula dans un fracas diluvien, tandis que de l'oeil du canon s'élevait une fumée opaque et lourde comme un parfum d'offrande.

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(extrait de "Embolies d'une gomme", éd. derrière la salle de bains 1998)

18:02 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

14/11/2005

M et les choses

M n'avait jamais été bien gros, mais depuis qu'il perdait ses os ça n'arrangeait pas les choses. Fémur, tibia, côtes, jour après jour son calcaire dégringolait à toutes bielles.
Le vieux monsieur du sixième l'avait bien dépanné d'un métatarse encore utilisable ainsi que de trois ou quatre phalanges en bon état, lui recommandant : "Tiens, tu en auras plus besoin que moi. Tu es jeune." Et c'est vrai qu'il était jeune, M ; vingt-six ans, c'est tôt pour perdre ses os. Hélas, avec toutes ces choses dans l'air, dans la terre et dans l'eau, on perdait beaucoup plus qu'on ne gagnait.
Un soir qu'il se déplaçait avec grand peine, claudiquant à qui mieux mieux, M trouva encore le moyen de perdre une épaule. Alors il demeura sur place, comme recueilli auprès de sa dernière pièce détachée. Par caprice. Pour faire voir aux autres.
Mais nul ne le remarqua ; tous avaient perdu la vue.


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(extrait de "Embolies d'une gomme", éd. derrière la salle de bains, 1998
premières publications en revues : Grèges n°4, Courants d'ombres n°5)

09:01 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (14)

10/11/2005

Salon du Livre de Lyon

Tenez, puisque vous n'avez rien d'autre à faire ce week end, venez donc nous serrer la pince à Lyon, place Bellecour. Nous, ça veut dire Jean-Jacques Nuel, Christian Cottet-Emard, Bernard Chatelet, les éditions Nykta, Bibi et quelques centaines d'autres...

http://www.salonlivrelyon.com

10:05 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)