11/03/2005
Un académicien en poche
Récemment reçu à l'Académie Française (comme on a pu le lire sur le blog de Raymond Alcovère, et si c'est écrit ça doit être vrai), Pierre Autin-Grenier s'empresse de sortir un de ses best-sellers en édition de poche : "Les radis bleus", précédemment publié au Dé bleu. Cette fois-ci c'est chez Folio, édition augmentée de quelques radis. Je vous recommande vivement d'y plonger vos petits nez.
NB : Certains de ces radis ont été publiés dans Salmigondis, or qui dit "publié dans Salmigondis" dit forcément "bonne littérature" !
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10/03/2005
Les dessous de la pédalerie bressanne (8)
C'est encore au sujet du polar à vélo, mais n'insistez pas : je ne le mettrai pas en ligne. Quelques extraits oui, pour mon fan club. Pas plus.
Là, je reprends juste un petit coup pour vous en raconter une terrible. Alors voilà : pour faire le malin, j'avais choisi de jucher mon héros sur un vélo de 1936 toujours en bon état de marche. Avec pareil ingrédient j'étais sûr d'être définitivement classé dans les auteurs bizaroïdo-cinglo-complètement-détraqués-du-ciboulot, ce qui est quand même un rêve d'enfance. Eh bien figurez-vous que l'autre jour, en discutant de choses et d'autres avec JP (mon beau-père) j'apprends qu'il possède un authentique Lucien Michard de 1936, justement, et en bon état de marche... Ca m'a foutu un coup au moral. Adieu le rêve d'enfance : je ne serais jamais qu'un piètre imaginatif, pas bizarre pour deux sous, pas détraqué, ni cinglé. Un nul, quoi. J'en veux un peu à mère, elle qui m'a laissé grandir dans l'illusion que j'étais "original", que j'avais "une de ces imaginations"... Tu parles. Ma fictionnette se fait rattraper par la plus commune réalité ! Un nul, je vous dis.
Enfin, pour ceux qui voudraient contempler le désastre : le vélo que vous voyez ici à gauche, c'est lui, cliché par JP. C'est lui qui sera sur la couverture du bouquin.
NB : JP a changé les pneus d'origine... mais je crois qu'il a conservé les freins à tambour.
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09/03/2005
Nouvelle mouture de "Fiction"
Enfin dans ma boîte aux lettres ce matin, le n°1 de "Fiction" nouvelle période. Après 37 ans de bons et loyaux services aux littératures de l'imaginaire (1953-1990), cette revue mythique qui communiquait souvent avec la non moins mythique collection "Présence du futur" chez Denoël, et qui avait permis l'émergence de nombreux auteurs français (Andrevon, Walther, Curval, Klein, Barberi...), s'était interrompue. Au sommaire du tout dernier numéro : la seconde contribution d'André-François Ruaud, jeune auteur de Lyon qui trouvait là un encouragement à poursuivre dans cette voie. C'est le même André-François Ruaud qui aujourd'hui, à la tête de la toute jeune maison d'édition "Les moutons électriques", reprend en main les destinées de "Fiction". Toujours connectée à sa revue mère, "The magazine of Fantasy and science fiction", publiée aux Etats Unis et qui, elle, n'a jamais cessé de paraître, "Fiction" sélectionne et traduit les meilleurs textes parus outre-atlantique, et consacre une large part aux auteurs français, mais aussi espagnols, serbes, italiens, indiens, etc... Pour l'instant je n'ai lu que l'éditorial, excellent, notamment parce qu'il affiche d'emblée, et une fois pour toutes, une volonté d'explorer tous les genres de l'imaginaire, et de ne surtout pas rentrer dans le débat stérile qui oppose le réel et l'imaginaire.
Je vais lire la suite de la revue, c'est sûr, mais d'ores et déjà je peux vous dire que je suis drôlement fier d'être au sommaire. Merci André-François d'avoir ressuscité "Fiction", c'était l'un de mes grands regrets : être né trop tard pour figurer au sommaire de cette revue que je ne trouvais plus que chez les bouquinistes. Qu'on se le dise : "Fiction" est de retour dans les librairies.
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07/03/2005
Les dessous de la vélocipédie littéraire (7)
« La Bresse dans les pédales »
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Ayé, digéré le poulet basquaise. Me revoici blogué pour vous conter les merveilleuses aventures de ma plume au pays des poulets.
J'en étais à cette histoire de polar à vélo. En guise de moteur ma narration aurait donc du mollet, et peut-être bien des esquarres aux fesses parce que j’avais l’intention de la faire pédaler jusqu’à la dernière page. J’ai attaqué illico les repérages. Rien que du bonheur ! Un vélo, c’est pas fait pour décorer le garage : je tenais enfin un prétexte pour me remuer la couenne en travaillant du même coup le texte que j’avais sur le feu. Me voici lancé à travers champs de maïs et fermes bressanes, me voici vallonnant à qui mieux mieux, bravant la bruine du matin, affrontant le cagnard de l’après-midi et l’ombre perfide des sous-bois. Car il en faut bien, des coins perfides, des sales petits recoins sombres et puants, tout comme il faut des grandes lignes droites, désertes, silencieuses, si je veux ramener à la maison le semblant d’ambiance d’un polar. Ainsi, jour après jour, à chaque tour de pédale, je fais tourner les mots dans ma tête, je repère, je flaire, je collectionne idées et impressions, je fais jouer des bouts de phrases dans le fond de mes sacoches, je les fais rouler, se télescoper, se dire merde ou s’embrasser, et patiemment, j’entrepose tout ça sur ma table à idées. Chaque jour que Dieu fait, de mi-juin à fin juillet je pédale comme un dératé, demandez aux gens du coin. Il s’agira ensuite de tirer la bonne ficelle, et de trouver le raccord idéal. Il faudra couper, recoller, couper-coller, jeter, trier, rajouter, enlever de nouveau, laisser reposer, guetter l’instant où la matière prendra. Il faudra lire à haute voix, pour dénicher les scories qui se cachent dans l’angle mort des phrases, traquer les expressions toutes faites, et les jeter dans un fossé non sans avoir au préalable testé différents recyclages (on sait jamais, ces trucs-là ça peut resservir avec un peu de chance).
Mais je m’égare, je vais pas vous bassiner avec ma petite cuisine linguistique. Si vous avez lu jusqu’ici c’est bien pour en savoir davantage sur ce polar bressan (non ?), et vous aimeriez que j’en vienne au fait : « Alors, c’est quand que ça saigne ? » Dîtes, vous imaginez pas non plus que je vais le mettre en ligne, mon polar ? Si je vous raconte tout ça, c’est bien parce que ça n’y est pas dans le polar. Promis, je vous en dirai un peu plus, mais la prochaine fois. Il faut que j’aille raconter leurs histoires aux filles. Et elles sont moins patientes que vous…
21:15 Publié dans Livre | Lien permanent
06/03/2005
Les dessous de la vie littéraire (6)
« Ca se passe dans le coin ? »
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J’en avais assez de répondre « non » aux gens qui me demandaient, sur les fêtes du livre de ma nouvelle région, si ce que j’écris se passe dans le coin. Plus qu’assez de les voir filer juste après, tuant dans l’œuf mes espoirs de devenir le Monsieur Livre bressan. Marre du « coin », marre du coin-coin et de ses cancans.
Aussi, quand les deux loustics des éditions Nykta (je veux dire France Baron et Claude-Jean Poignant) m’ont invité à écrire un mini polar qui se passerait à l’endroit où j’habite pour leur collection Petite Nuit, je n’ai fait ni une ni deux : j’ai décidé d’inaugurer une nouvelle forme d’écriture à contrainte ! Il y en a bien un qui nous a pondu un roman de 300 pages sans la lettre « e », alors pourquoi pas un polar de 60 pages sur Polliat et ses environs ? On voulait du « coin », on allait en avoir !
Le but étant de racoller le plus d'autochtones possible, je me suis dit qu’il fallait imaginer une histoire qui se passe un peu dans ce coin-là, mais aussi dans celui-ci, et juste après dans cet autre petit coin qui se cache là-bas, de manière à ce que sur les prochains festivals ce soit moi qui pose les questions : « Vous habitez dans le coin ? Où exactement ? A … ? Ah mais ma petite dame c’est votre jour de chance, il y a justement dans mon livre une scène qui se passe à … ! Prenez-le, je suis sûr qu’il vous intéressera ! » On veut être le best-seller local ou on veut pas, hein ? Moi je veux, donc y a pas à lésiner.
Fort bien. Je me dis que pour faire exister le « coin » sous tous ses angles, il faut une histoire circulante. Pas à grande vitesse sinon le lecteur n’aura pas le temps de reconnaître les petits morceaux de coin. Pas trop plan-plan non plus, le livre doit faire 70 pages maximum. Ah. Et là, je ne vois qu’une seule solution : le vélo ! Vitesse honnête, encore humaine, qui laisse tout loisir pour découvrir les petits coins du coin.
C’est parti. Avec pour seul fil conducteur la pédale. Ici, je m’arrête un peu parce qu’il faut que j’aille préparer le poulet basquaise : on a invité une copine à manger, et on n’a pas l’intention d’ouvrir une boîte de ravioli en conserve. Donc à plus tard, si vous êtes toujours dans le coin.
10:45 Publié dans Livre | Lien permanent
Un nouvel académicien
La nouvelle est tombée ce matin : Pierre Autin-Grenier est élu à l'académie française. C'est sur le blog de Raymond Alcovère, avec tous les détails : http://raymondalcovère.hautetfort.com
08:45 Publié dans Livre | Lien permanent
04/03/2005
Un clown s'est échappé du cirque
« Un clown s’est échappé du cirque »
Eric FAYE
nouvelles,
éd. José Corti,
208 p. , 16, 50 euros
Décidément j’ai de la chance en ce moment ! Trois lectures, trois coups de cœur (cf. chroniques précédentes sur Nuel et Châteaureynaud). Le dernier recueil d’Eric Faye, qui sort aujourd’hui en librairies, tient ses promesses. En reprenant ses thèmes et ses ambiances de prédilection, Eric Faye traite d’une manière très personnelle ce sujet devenu un classique de la littérature contemporaine : l’enfer capitaliste.
On a plaisir à retrouver ces longues phrases qui vous prennent tranquillement par la main, et vous endormiraient peut-être bien si un chuchotis très léger, une inflexion minuscule – adverbe inattendu ou adjectif incongru ? – ne soufflait juste pour nous : "Quelque chose est en train de se passer, là, sur la page". Vous poursuivez, intrigué mais sur vos gardes, vous tirez le fil de ce récit qui, imperturbablement, déroule devant vos yeux une histoire à peine fantastique, faite de décalages imperceptibles, dans un monde qui serait le vôtre s’il ne tenait pas tout entier au fond d’un livre.
Dans cet univers où le capitalisme est devenu roi, les journées de labeur se ressemblent. Les couples se croisent en coup de vent, on abandonne des messages sur la table de la cuisine, la vie s’enfuit par le trou d’un sablier en laissant sur le verre des regrets tenaces. Avec Ivan Biély, dans la nouvelle Russie de « Kompétitivnoïé », vous assistez au massacre de ces hordes de communistes, chassés dans les bois, abattus puis dépecés comme des bêtes sauvages, et dont les têtes empaillées, sales, hirsutes, effrayantes, sont exibées dans les rues pour impressionner la population. Dans « Le destin de Monsieur-tout-le-monde », vous faites un bout de chemin avec celui qu’ont élu les téléspectateurs d’un jeu télévisé (le « Vulgum pecus d’or ») ; parce qu’il représente la masse à lui tout seul celui-ci deviendra le mètre étalon des campagnes de marketing. Dans « La partie d’échecs », un travailleur de nuit ne peut plus voir sa femme, qui travaille le jour, et il en vient à se demander si elle habite toujours avec lui... Dans « Une anthologie des chefs d’œuvre tués dans l’œuf » on offre à des écrivains, durant cinq mois, la possibilité d’écrire sans se plier aux impératifs du commerce. Cadeau empoisonné qui très vite devient un supplice de tantale puisqu’éphémère. Les héros de ces nouvelles, quoique totalement adaptés à leur monde, traînent derrière eux un boulet : la mémoire fossile d’une vie meilleure. Rien ni personne ne peut changer ce monde… sauf peut-être l’avenir, l’usure du système, et la rebellion. Car le rêve existe toujours. En témoignent les efforts dérisoires des héros de ces nouvelles pour s'extraire de leur condition. Ce clown prisonnier d’un cirque parce qu’on juge dangereux le rire en liberté, prend l’initiative de s’enfuir au risque d’être recherché par toutes les polices du pays. En témoigne aussi la note d’espoir qu’apporte la Pytie, dans « Le secrétaire d’état », en prédisant le déclin de l’Empire Américain…
Evidemment, il faut accepter d’entrer dans le jeu. Car l'auteur joue, à prendre au pied de la lettre certaines situations qui n’existaient que sous la forme d’expressions, de représentations figées. La société capitaliste imaginée par Eric Faye est caricaturale. A dessein. Moins dans l’idée de mettre en garde (cela, une infinité d’artistes l’ont déjà fait) que dans celle d’imaginer des failles, à l’intérieur desquelles il serait encore possible, au moins pour quelques instants, de disparaître. Disparaître. Sortir du système, quitter le bruit obsédant du quotidien, arrêter le temps pendant quelques instants pour tenter de se retrouver. Thème récurrent et sans cesse renouvelé dans l’oeuvre d’Eric Faye, qui avouait l’année dernière dans une interview pour le magazine « Le Matricule des anges » son plus grand plaisir de gamin : être malade pour ne pas aller à l’école. Pour que le temps s’arrête un peu, pour que la routine s’interrompe un moment.
21:25 Publié dans Livre | Lien permanent