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01/09/2005

Page 72

Aïe, on arrive au moment critique (si je puis dire) : l'ouvrage me plait toujours, beaucoup, mais à mesure que la fin approche (plus que 24 pages) une angoisse sournoise m'étreint : la fin sera-t-elle à la hauteur ?
Aaah, de toute façon il faudra bien la lire, cette fin. Pourvu qu'elle tienne la route, pourvu qu'elle tienne la route...

23:36 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2)

Page 40

Ma foi, page 40 c'est toujours bien, ce Roi cassé. Hé, hé, y aurait-il du coup de coeur dans l'air ?
Continuons à lire...

22:29 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

Le nouveau Dumontheuil

Au courrier de Salmigondis ce matin, 2 services de presse de Casterman :

- "Le roi cassé", nouvel album de Dumontheuil (dont on avait beaucoup apprécié "La femme floue"). Au vu des 20 premières pages c'est bien parti pour replaire, et donc pour faire l'objet d'une chronique sur ce blog. A voir (ça fait quand même 96 pages et ça peut toujours se gâter...).

- "Achtung Zelig", de Gawronkiewicz et Rosenberg. On verra ce qu'il a dans le ventre mais les dessins et la mise en page s'annoncent prometteurs.

19:40 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (6)

28/08/2005

La route dans le ciel

(inédit)


On jouait à suivre le trajet d’une goutte sur la carte. Parce que faute d’avoir quelque chose à visiter derrière pareil rideau de pluie, il nous restait au moins des idées. Plus rien n’était sec sous la tente – encore une vieillerie du père à Fred. Tout prenait l’eau, tout suintait, et il n’y avait aucune raison pour que la carte fasse exception.
Ça nous a menés sur la route la plus tortueuse du pays. On n’a pas vu venir la galère ; en vérité on n’avait plus la force à rien, même à choisir. La goutte élue par Fred, après une molle glissade sur cette masse verdâtre pointillée de grisés qui représentait un massif montagneux, est venue butter contre un pli de la carte, et elle n’a pas tardé à creuser son lit, bienheureuse, au plus profond du papier. Un motif suffisant pour qu’on brûle de la rejoindre.

Dès que le ciel a baissé d’un ton, on en a profité pour replier nos toiles, pour caser nourriture et vêtements au petit bonheur des sacs à dos, et on a pataugé en direction de la route désignée par le sort. Passé deux champs noyés où Fred a généreusement offert une chaussure à la gadoue, on atteignait le bitume. Direction les Gorges de l’Ain, zigzags, cols et ampoules.
Dans les mains de Fred, effilochée, hachée, labourée, la carte vivait ses derniers instants. Devenue parfaitement illisible, elle nous plantait là, au pied du Revermont (nous avions eu le temps de déchiffrer le nom du massif avant que les petites soeurs de la goutte n’en fassent de la charpie), avec pour mission idiote de gravir la pente, tandis que nos pattes auraient volontiers filé en sens inverse, droit sur Bourg-en-Bresse. Mais ce qu’on accomplirait de raisonnable lorsqu’on est seul perd toute valeur au sein d’un groupe qui a décidé de ne pas s’ennuyer.
Fred avait jeté aux orties sa deuxième chaussure. Il menait le train en sherpa, maintenant toutefois ses plantes de pied sur la surface goudronnée. Quelques fermes, quelques villas cossues plantées au bord de la route nous saluaient de loin en loin. Elles trouvaient probablement ridicule que nous considérions leur environnement quotidien comme un décor propice à l’aventure. Une averse au pied du Revermont, comme il en tombe à peu près chaque semaine. Rien d’extraordinaire à première vue. Mais le touriste aux entrailles exaltées dénicherait matière à vivre une épopée dans un bidon d’huile d’olive.
La route ne montait guère encore ; le massif, hectomètre après hectomètre, se pelotonnait autour de nous. A certains endroits les talus s’élevaient, devenaient pierreux, se solidifiaient jusqu’à prendre l’apparence de petites gorges pour aussitôt revenir au niveau du sol. La forêt s’épaississait, l’averse persistait à faible débit, aucun véhicule ne croisait ni ne doublait notre position. Aventuriers de bas étage, nous marchions au plein mitan de la route, insultant avec le zèle des minables et des petits joueurs les dangers que les lacets pouvaient dissimuler.
L’abbaye nous a presque filé sous le nez tant sa position en retrait de la route la dissimulait au regard. Pourtant massive, elle se tenait par-delà un rideau de feuillages, de l’autre côté du ruisseau qui sautillait en contrebas. Elle regardait le couchant de toutes ses fenêtres, son large dos appuyé contre la montagne, difficile à distinguer dans son intégralité à cause des bosquets touffus disposés entre elle et nous. La planque idéale pour invoquer le tout puissant à l’abri du siècle. La pupille allumée, Bengali s’est penché au-dessus du parapet. Les yeux baissés vers le fond de la gorge, il a tortillé des fesses un moment – Bengali tortillait toujours des fesses en préparant un mauvais coup, sa manière à lui de faire venir les idées. Et il a eu ce sursaut, immense, de tout le corps. La Minotte s’est approchée de lui, elle l’a tiré doucement vers la lumière : le visage de notre zouave préféré avait pris la blancheur du lait de toilette. Bengali respirait à l’économie, du bout des yeux il nous implorait d’aller voir.
Fred et La Minotte se sont prudemment repliés derrière moi, et ils ont amarré leurs mains tremblantes à mes épaules. Je me suis raclé la gorge. Comme ils m’aiguillonnaient à petits coups de coude dans les côtes, j’ai bravement avancé jusqu’au parapet. Une pente semée d’épicéas dégringolait jusqu’à la rivière (la Berlue, avait révélé notre carte IGN juste avant de rendre l’âme). L’averse gonflait son lit, des tourbillons s’emportaient comme des chiens fous contre les berges, menaçant de déborder sur le sentier qui longeait le domaine de l’abbaye. J’ai senti des ongles s’enfoncer dans le gras de mon épaule droite (La Minotte), un pincement douloureux à l’épaule gauche (Fred), et je me suis bien douté que le ruisseau n’y était pour rien dans ces réactions rachidiennes. Là, j’ai aperçu le moine. Bloc taillé au calcaire du chemin, il ruisselait sous la pluie dans une bure noire et blanche soulignée par des sandales de la même teinte maronnasse que son visage. Son regard nous tenait, nous serrait, nous poussait, nous tirait, nous désarçonnait, nous relevait, c’était comme un grand vent, un torrent, ça nous berçait, ça nous brisait, ça nous énervait pas mal au bout du compte. Avec ça qu’il n’était pas seul : d’autres silhouettes en bures et sandales se groupaient derrière lui.
L’instant d’après on courait comme des gazelles. On a franchi un pont, songeant qu’il valait mieux courir dessus qu’être pendus dessous. On a zigzagué dans deux ou trois lacets, puis on a stoppé la course parce que les sacs nous cassaient les vertèbres. On conservait quand même un pas très élevé. La forêt s’entrouvrait par endroits, les arbres s’ébrouaient dans le vent, les talus louvoyaient sur nos côtés. Le paysage se payait du bon temps. En d’autres circonstances nous aurions festoyé sur place, et offert à ce coin de terre l’animation qu’il méritait, mais ce qui nous faisait avancer n’incitait guère à la fête. Nul véhicule ne perturbait notre ascension, depuis le début. Cette route avait, de toute évidence, été goudronnée par accident.
La pluie regagnait en vigueur, son chuchotement revêtait une tonalité plus grave, plus lourde. La végétation courbait l’échine, les rochers brunissaient. Fred glissait à chaque pas, reculait presque autant qu’il n’avançait. Nous devions le tirer par le bras pour qu’il se maintienne à notre niveau. Notre allure faiblissait. Bengali, envers et contre tout, s’était remis à faire le singe. Il distribuait des blagues aux quatre vents, jouait les fiers à bras en pinçouillant les cuisses de La Minotte. Mais ce singe était triste, son spectacle nous angoissait. D’autant qu’un piétinement mouillé se faisait entendre derrière nous. Nous aurions bien divagué à l’unisson de Bengali, oui, seulement, avec les choses de Dieu on n’est jamais bien tranquille.
Les pas venaient toujours, derrière, sans que nous ne puissions distinguer qui marchait. Il semblait qu’une troupe se constituait, les piétinements se multipliaient, l’averse redoublait. Nous n’entendions plus notre souffle, nous étions tout entiers remplis du son clair, effrayant, apocalyptique, que font des sandales sur l’asphalte mouillée.
Nous débouchâmes sur une plaine, bornée par deux collines fatiguées, affalées comme bêtes de somme rompues. Des champs s’étendaient sur quelques hectares. Des fermes apparaissaient, ombres posées derrière l’averse. Au loin la route regagnait un peu de hauteur. Elle se fondait à l’intérieur du ciel, si bas. Du gris et de l’eau, à perte de vue. Trempés jusqu’à la moelle, nous ne grelottions pas seulement de froid. Car des silhouettes avançaient devant nous, striées de pluie ; elles nous tournaient le dos mais nous devinions des moines en bures et en sandales. Certaines longeaient la route, d’autres venaient depuis les champs pour converger vers le point d’horizon. Ceux qui marchaient devant nous levaient la main de temps à autre pour saluer un nouvel arrivant. Le bruit des sandales sur l’asphalte emplissait tout l’espace sonore.
Les silhouettes se multipliaient, comme si chaque goutte les faisait éclore. Nos suivants nous ont rattrapés. Ils nous ont dépassés. Bures et sandales s’agitaient autour de nous, l’eau ruisselait, les champs ne pouvaient plus rien boire, des flaques s’élargissaient, creusaient des gourbis dans la terre meuble, mais les sandales, sous les bures dégoulinantes, arpentaient vaillamment, convergeaient vers le point où la route devenait ciel. Les moines étaient si nombreux que nous ne pouvions plus poser un pied devant l’autre. La pression s’accentuait. Bengali et La Minotte dérivaient, entraînés au loin. Fred pleurait sur mon épaule parce qu’on venait de lui piétiner le pied droit pour la quatrième fois. Les moines, eux, piaffaient, suffoquaient un peu, dégoulinaient en choeur. On devinait, dans la grisaille, une multitude de sourires imprimés sur ce fleuve en bures.
Nous n’avancions plus. Le flot se déplaçait encore par inertie, lentement, en direction du ciel. Fred a soupiré, avec résignation. Ses pieds le faisaient moins souffrir. Il ne nous restait plus qu’à sourire aussi. Bientôt, les moines et nous-même, nous appartiendrions au même corps. Chacun de nos atomes constituant une partie du Grand Tout.

09:36 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (14)

19/08/2005

Les stars de la radio

Pour ceux qui habitent dans l'Ain, ou qui viennent y écouter la radio RCF 01 simplement pour le plaisir d'entendre ma jolie voix (enregistrée peu après une extinction... de voix sur les deux émisions à venir, mais bon...) le samedi à 11 h 03, ou le dimanche à 10 h 45 (ou les deux si ça vous plait tant que ça) : les deux prochaines émissions seront consacrées à Christiane Baroche, et à Christian Cottet-Emard. Deux auteurs que nous avons publié plusieurs fois dans Salmigondis, forcément puisque la condition pour être à l'honneur dans l'émission, c'est d'avoir eu auparavant les honneurs de Salmigondis...

10:45 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

07/08/2005

Concours d'affiches

A l’occasion du troisième festival BD/littérature du Haut-Jura (22-23 avril 2006, à St-Claude), l’association Générations Bédés et la revue Salmigondis organisent un concours d’affiches ouvert à tous.

Thème : « de l’eau et des bulles »

Chaque candidat présentera un dessin en couleur de format A4 ou A3, en rapport avec le thème prévu.

Les dessins devront parvenir pour le 20 décembre 2005 à l’adresse suivante :
Générations Bédés, chez Mme Pianet, 8 rue des Ecoles, 39200 St-Claude.

Le meilleur dessin sera choisi pour illustrer l’affiche du festival et son auteur recevra une récompense de 100 euros.
Les 2ème et 3ème recevront chacun une BD dédicacée par un auteur présent au festival. Tous les dessins seront exposés dans le cadre du festival.

Afin de respecter l’anonymat des concurrents, leurs coordonnées (nom, prénom, adresse, téléphone) devront être inscrites sur une feuille de papier libre et glissées à l’intérieur d’une enveloppe cachetée à l’envoi.

Tous les participants seront informés des résultats du vote du jury.

Pour de plus amples informations sur le concours et le festival :
Générations Bédés (03 84 45 34 31)
http://www.salmigondis.com

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31/07/2005

Nouveau petit bout de Bresse

(...)

En trois coups de pédale j’atteins la route d’Attignat, en cinq je la quitte pour entamer le chemin des Poulattes. Il y a plein de baraques à chiens dans le chemin des Poulattes, avec au portail des Cerbères prompts à glapir. Encombrant comme décoration. Ça empiète sur l’espace sonore public, ça demande jamais pardon et j’imagine que ça chie partout.
N’y voyez pas de rancoeur particulière, monsieur le commissaire. Je ne suis pas un écorcheur de clébards. Je vous dis les choses comme je les pense, pour que vous ayez une idée plus complète de ma petite personne.

Bon, je passe la dernière baraque à chiens, je m’engage sur le chemin de terre qui se prélasse entre les champs, et je tourne à gauche pour m’envoyer un bout de forêt dans les guibolles. C’est cabossé là-dedans, il y a toujours de vieilles flaques boueuses, des bosses, des creux, des ornières comblées avec des tuiles éclatées. Ça secoue, ça fait vibrer la bécane, ça chatouille et ça défoule. J’aime bien. D’habitude.
Là, j’ai pas aimé. Ça m’est tombé sur les épaules sans dire bonsoir. C’était lourd, chaud, ça sentait la mort, c’était poisseux, et ça voulait plus me lâcher. Réflexe de survie, je me suis cramponné au guidon, j’ai écrasé les pédales et j’ai réussi à me rétablir. J’ai entendu un bruit tout mou derrière moi. Lorsque un peu de distance s'est installé entre le bruit tout mou et moi, j’ai jeté un oeil, un tout petit, vers l’arrière. C’est là que je l’ai vu, étalé dans la poussière, pissant le sang par plusieurs trous, son regard fusillé lancé à mes trousses pour implorer mon aide. J’ai aperçu aussi les trois autres avec leurs couteaux. Pas pu détailler leurs binettes, faut me croire. J’ai eu surtout le temps d’appuyer sur les pédales et de filer. Lui non plus, par terre, j’ai pas pu le remettre. Peut-être qu'on se connaissait. Peut-être pas. En tout cas, j’avais trop les foies pour lui demander ses papiers.
Je saurais pas vous dire si les types ont tenté de me rattraper. Le fait est que la bécane de l’oncle Simon et bibi, on les a scotchés sur place. Ça sifflait autour de nous, ça vrombissait, ça éclatait sous les pneus, ça éclaboussait aussi pas mal. Au bout du compte ça me faisait un peu de compagnie dans les oreilles. Pour m’aider à oublier que j’étais seul dans la forêt avec des types à gros couteaux, et un autre, percé de partout, qui m’avait laissé un souvenir poisseux sur l’épaule.
Cette tache de sang que vous voyez là, c’est d’elle dont je vous parle monsieur le commissaire. Les autres ne sont pas de lui.
Dieu seul sait ce que le pauvre gars est devenu. Pas grand chose sans doute, vu le peu qu’il lui restait à vivre. Enfin, vous en apprendrez certainement plus que moi bientôt. C’est votre boulot, sans vous commander. Le tout étant que des types emmanchés de couteaux de charcutiers perdent l’habitude d’effaroucher le cycliste dans les forêts bressanes.

(...)


(extrait de : La Bresse dans les pédales, éd. Nykta 2005)

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