24/01/2007
SIGNATURE COLLECTIVE DE LA ROUTE
Samedi 3 février, à partir de 14 h 30, Catherine Salmon, Bernadette Coltice, Bernard Chatelet, Robert Ferraris, Guillaume Verne, Christian Lux, Ghislaine Damont-Gilet et Roland Fuentès signeront le recueil collectif intitulé "La route de chaque jour me suffit..." (éd. Jacques André), où, sans honte aucune, ils ont tous pondu une nouvelle sur le thème... de la route. Cette séance de dédicace collective se déroulera simultanément dans trois hauts lieux culturels de Bourg-en-Bresse : la librairie Montbarbon, la librairie du Théâtre et la Maison de la Presse, chacun de ces endroits accueillant deux ou trois auteurs en même temps.
Les huit auteurs ci-dessus nommés auront une pensée émue pour le neuvième auteur de l'anthologie, le regretté Gérard Tissot, auquel ils ont dédié l'ouvrage.
Les droits d'auteur dudit ouvrage seront intégralement reversés à la fondation Romans Ferrari, située dans le village de Romans, dans l'Ain, et qui oeuvre pour la rééducation pédiatrique.
Il y aura donc des auteurs de l'Ain, samedi 3, dans les librairies de la capitale de l'Ain. Qu'on se le dise !
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18/12/2006
LE PASSEUR D'ÉTERNITÉ (V)
(5ème extrait)
Les quatre hommes aperçurent quelques patrouilles qui les saluèrent de très loin. Hormis cela ils ne croisèrent pas âme qui vive. Le ciel pesait sur un pays recroquevillé dans le malheur. Un pays à l’abandon. La campagne se composait une figure hirsute ; des herbes poussaient au milieu des chemins, des branches mortes encombraient les voies. Seul signe de présence humaine : ces grands feux, aux abords des villages. On brûlait quantité d’habits, de meubles, d’objets intimes ayant appartenu à des malades. On brûlait des charrettes, des granges, des maisons. Le pays tout entier partait en fumée. Chaque créature, chaque chose s’acheminait vers sa combustion. Il y avait en cela un fatalisme terrible.
Les corps qui tressautaient, entassés pêle-mêle dans le tombereau, avec des gorges noires et des bubons plein la figure, participaient à cette apocalypse tranquille. Tas de chairs en sursis, appelées à devenir cendres lorsque leurs convoyeurs décideraient de s’évanouir dans la nature... Les bagnards évitaient de croiser ces regards éteints. Ils fixaient ardemment la route, le ciel, un point indifférent de l’horizon, tant il leur semblait que la peste aujourd’hui s’attrapait par les yeux.
Le Turc ne disait rien, mais ce que les mots n’exprimaient pas, son visage l’exprimait pour lui. C’était une figure aux reflets changeants, virant du sombre au lumineux, de la douleur au plaisir, de la haine à la compassion dans le même instant. Une figure étrange et familière, comme il en revient dans certains rêves. Sans doute eût-il perdu de son mystère s’il avait parlé notre langue. Ses compagnons d’infortune le traitaient avec un mélange de crainte et de respect qu’ils n’auraient pas témoigné à un infidèle sans être enchaînés à lui jour et nuit.
Celui que le nerveux nommait « Grand » parlait à peine le français. Encore ses paroles résonnaient-elles avec un fort accent germanique. Il s’exprimait beaucoup moins que le nerveux, et seulement en situation d’urgence. Son regard brumeux s’enfonçait dans le paysage comme dans un océan ; nul n’aurait su dire ce qu’il en rapportait.
La nuit, personne ne trouva le sommeil à cause de la puanteur dégagée par le tombereau. Maladite résolut de lever le camp bien avant l’aube afin de couvrir rapidement la distance qui les séparait du pays d’Aix.
« Tu crois que ton stratagème va fonctionner longtemps ? demandait sans cesse le nerveux en se plaçant sous le nez du colosse.
_ Evidemment, nabot fougueux et fatiguant. Voilà bientôt vingt-quatre heures que tu me poses cette question… Tu ferais mieux d’économiser ta salive car tu risques de me la poser jusqu’au bout !
_ Nous avons eu de la chance, hier, voilà tout. Avec l’odeur, nous aurons bientôt tous les gendarmes du comté sur le dos. Tu devrais nous relâcher, et courir droit devant toi si tu veux encore vivre un peu. Pour ma part, je n’y crois plus un instant.
_ Il suffit que j’y croie seul. Car j’y crois bien assez fort pour tenir tête à vos doutes.
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Roman à paraître aux éditions Les 400 coups, en janvier 2007
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14/12/2006
LE PASSEUR D'ÉTERNITÉ (IV)
(4ème extrait)
La grange avait été vidée. Il restait seulement un carrosse en mauvais état, que nul charognard n’avait eu la patience de découper. Car dans cet univers de portes murées tout se morcelait pour être passé, à la nuit tombée, par les fenêtres. De grandes quantités d’objets étaient ainsi déménagées dans les maisons condamnées. On apportait des scies, des marteaux, des haches, et on découpait lentement, dans le fin fond des caves, en prenant soin de colmater portes et fenêtres, car les épidémies n’arrêtent pas la curiosité mal placée. Qu’il pleuve à verse ou qu’il grêle du plomb, vaillantes entre les vaillantes, les oreilles indiscrètes continuent à courir les rues.
Cette maison était donc un passage fréquenté. Aussi Maladite restait-il sur ses gardes. Quelqu’un pouvait surgir à tout instant, et qui serait peut-être moins inoffensif que Pélissard.
La nuit venue, Maladite revêtit sa panoplie de pénitent noir et sortit dans la rue par une fenêtre. L’air transportait l’odeur du feu, et de la mort. Nul piéton sur la chaussée. Nulle commère sur le pas des portes, pas le plus petit grincement de fenêtre. Le silence écrasait ce faubourg où même le souvenir du vinaigre était évanoui depuis longtemps. Maladite arpentait les artères d’un cadavre gigantesque.
A l’approche du centre, le grand corps de la ville remuait un peu. Des cris, des appels retentissaient, des râles, des plaintes et des pleurs parvenaient de divers points. C’était la voix d’une ville à l’agonie. Des attelages roulaient, on croisait des gendarmes à cheval. Des ecclésiastiques aussi, en grand nombre. Suant sous la bure, soufflant et crachant comme des pouliches surmenées, le petit peuple des hommes de foi s’activait auprès des mourants, recueillant ici une ultime confession, portant là-bas un dernier sacrement. Si le Seigneur négligea de s’intéresser personnellement au fléau, il faut tout de même reconnaître que ses serviteurs s’y employèrent pour lui. Curés et vicaires des différentes paroisses se dévouèrent tant et plus qu’ils y laissèrent presque tous la vie.
Des hommes ramassaient les cadavres et ils les empilaient sur des tombereaux avant de les emmener aux « parfumeurs », qui avaient allumé d’immenses brasiers. Les gens mouraient beaucoup trop vite. On comptait plus de mille décès chaque jour ; l’espace manquait dans les cimetières.
Sur la place de l’hôtel de ville s’orchestrait un va et vient continuel de chariots et de personnes. Dans des brouettes, on entassait des cadavres de chiens, par dizaines. Parce que susceptible de propager l’épidémie, toute bête errante devait être abattue sans état d’âme. S’ils avaient cru en Dieu, les chiens lui auraient demandé de préserver leurs maîtres, et de ne pas avoir à sortir dans la rue pour trouver pitance. Les bêtes abattues étaient directement jetées dans le port. Leurs cadavres y flottaient quelque temps, puis revenaient sur le rivage, le ventre gonflé. Ils pourrissaient au soleil en dégageant une odeur épouvantable.
Les compagnies de la milice qui sillonnaient Marseille en permanence rendaient toute progression difficile. La tenue de pénitent noir, si elle conférait à Maladite une certaine autorité, le rendait aussi visible qu’une vache grasse en plein désert. Or, que dire de ce prêtre esseulé, flânant par les rues en pleine tragédie tandis que ses semblables se réunissaient dans les églises, s’affairaient auprès des mourants, organisaient des processions ?
Il se cala dans l’ombre d’un porche, auprès d’un cadavre de chien suffisamment nauséabond pour lui garantir la solitude. Un attelage se rapprochait. Deux mules tiraient un tombereau rempli de cadavres. En guise de corbeaux on avait enrôlé trois galériens, leur promettant la liberté si la peste les épargnait. Comme c’était usage courant, on avait pris soin d’incorporer un Turc au trio pour étouffer dans l’œuf toute velléité de fuir. Un gendarme à cheval suivait, distribuant des ordres pour presser l’ouvrage.
Maladite laissa filer le tombereau, puis il sortit de sa cachette. « Qui va là ? » demanda le gendarme en voyant une ombre se dresser devant lui. Pour toute réponse, le colosse lui sauta au col et lui fit mordre la poussière. Là, il lui demanda « pardon », et il l’assomma le plus délicatement possible.
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Roman à paraître aux éditions Les 400 coups, en janvier 2007
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11/12/2006
LE PASSEUR D'ÉTERNITÉ (III)
(3ème extrait)
La porte de la chambre s’ouvrit sans difficultés, mais après quelques centimètres elle buta sur quelque chose de très dur et de très lourd. Les ronflements s’interrompirent. Rien ne bougeait, nulle part. Le cœur emballé de Maladite lui remontait jusqu’aux oreilles. Il s’apprêtait à filer sans plus de précautions vers la bibliothèque lorsqu’une voix d’homme résonna derrière la porte.
«Abrégez mon calvaire, par pitié ! Poussez donc cette porte et finissons-en ! »
C’était une voix pâteuse et enrouée. Des grincements, des frottements se firent entendre. On déplaçait des meubles.
« Vous pourriez m’aider un peu ! »
Maladite se mit à pousser sur la porte, il retrouvait son assurance. Les pieds des meubles que l’autre avait entassés derrière crissèrent sur le parquet. A cause d’une poussée plus énergique du colosse, une grosse pièce, sans doute une armoire, se fracassa sur le sol.
Derrière, l’homme glapissait.
« Vous voulez donc m’assommer avant de me passer par les armes ? »
Maladite entra. Il moulina un peu dans l’obscurité, buta sur divers obstacles, et finit par saisir celui qui se cachait là. Il le bloqua contre sa poitrine, puis lui colla sa main sur la bouche. L’homme était glacé, des pieds à la tête il grelottait comme un prunier sous la gaule. Maladite dressa un bilan rapide de la situation. Pour l’autre, il appartenait à la police. Il y avait un risque énorme à le maintenir dans cette idée : se voyant perdu, le clandestin risquait de hurler son dépit à pleine gorge et de réveiller le village. Le plus simple alors serait de l’assommer. Oui, mais… Maladite serait pris de remords, il se connaissait. Le malheureux ne tarderait pas à mourir de froid, ou à se rendre à la communauté, ce qui reviendrait au même.
Le colosse desserra son étreinte.
«Tu n’as rien à craindre de moi. Qui es-tu ? »
L’autre ne répondit rien. Il se méfiait. Maladite lui colla une beigne sur l’oreille.
« Tu n’as rien à craindre, te dis-je ! Je ne suis pas à ta recherche. Mais je dois savoir ce que tu fais là ! Parle, allez, ou je t’estourbis comme un bestiau !
_ Ce que je fais là, grand navet, tu ne l’as pas encore deviné ? Je me cache, pardi !
_ De qui ? Pourquoi ? Qui es tu ? Vas-y, déballe !
_ Minute, le fier à bras ! Tu débarques ici, tu me réveilles, tu me déloges de ma planque, tu me frappes, tu me dis que tu n’es pas de la police mais tu voudrais que je te raconte tranquillement ce que je... »
Une seconde beigne s’abattit à l’endroit de la première. L’homme, pour plusieurs minutes, n’entendrait plus que d’une oreille.
« Ton nom, couillon !
_ Norbert Pélissard ! jeta le malheureux.
_ Parle moins fort, par le cul du grand barbu ! rugit Maladite entre ses dents. Ecoute plutôt : à part moi, nul ne sait que tu te caches ici. Tu n’as pas besoin de caqueter ton identité sur tous les toits du village ! Que fais-tu là, bon Dieu de bon Dieu ? Tu vas le dire à la fin ? »
Pélissard avait parfaitement saisi. Il avait surtout compris que Maladite, s’il n’était pas gendarme, n’avait pas non plus intérêt à ce qu’on le découvre. Il ignorait encore si du bon ou du mauvais se préparait pour lui. Après tout, c’était peut-être simplement la providence qui lui envoyait cet homme-là.
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Roman à paraître aux éditions Les 400 coups, janvier 2007
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08/12/2006
LE PASSEUR D'ÉTERNITÉ (2)
(deuxième extrait)
"Quel est ton prix, la conteuse ?
- Deux louis.
- C'est bien trop cher pour une histoire. Avec pareille somme je pourrais manger comme quatre à la meilleure table d’Aix-en-Provence, boire autant qu’un mulet, et me laisser conter des épopées plus belles que la tienne par forains de grand talent. »
La vieille ne bronchait pas. Elle me regardait toujours avec cet éclat particulier dans les prunelles. C’était un regard de vieille femme, juste un regard de vieille femme. Rempli de misère, de fatigue, et d’un souvenir de joie. En guise de démon je venais d’envoyer paître une pauvre bossue. Sans me quitter des yeux, elle exhiba une pipe en bruyère plus biscornue qu’un cep de vigne. Elle entreprit de la nettoyer avec application.
« Tu parles un peu vite, marchand. D'où connais-tu la valeur d'une histoire ? Et sais-tu même que la mienne est vraie ?
– Au prix où tu la vends, elle représente assurément de la valeur. Toutefois, je trouve présomptueux d’affirmer qu’une histoire puisse être vraie.
– Elle est vraie !
– Qui me le prouve ?
- Ah, çà ! Que réclames-tu des preuves ? Il te suffit de me croire, la vérité se fera bien au bout du compte !”
La vieille m’agaçait avec ses airs de cartomancienne éclairée. Elle avait flairé mon intérêt comme le cochon sauvage flaire la truffe. J’exhibai une bourse à moitié pleine et l’agitai sous son nez pour accélérer les préliminaires. Elle agrippa mon poignet, y planta des griffes sales, et serra si fort que je dus lâcher la bourse. Elle la fit disparaître à l’intérieur de ses haillons en poussant un grand soupir de bonheur. Elle pouvait ! La bourse contenait beaucoup plus que deux louis.
La bossue planta son coccis dans un sac de farine. Elle m’emprunta quelques pincées de tabac qu’elle enfourna sans se hâter dans sa pipe biscornue, puis elle tapota mon chapeau pour m’indiquer d’ouvrir en grand mes oreilles.
"Puisque c'est toi, marchand, qui vas recevoir mes paroles, je souhaiterais qu'en sus de m’écouter avec zèle – pour deux louis tu le feras sans peine – tu conserves longtemps leur souvenir. »
La vieille avait du souffle, mais elle aimait fumer. Elle se plaisait surtout à aiguiser mon impatience. J’étais partagé entre l’envie de lui écraser la tête contre un mur, et celle de me glisser dans son histoire pour en savoir le fin mot. Heureusement pour son crâne, la seconde envie l’emporta sur la première.
« Je vais donc réchauffer dans la lumière ces quelques années, ce bout de vie qui a scellé le sort de Maladite. Je te raconterai des choses que lui-même a ignorées. J’en connais aussi d’autres, de plus profondes ; mais celles-là, tu ne les apprendras pas plus qu’un autre. »
Elle ricana en tirant sur sa bouffarde, puis repartit lentement. Elle s’était mise à parler si bas que je dus me rapprocher. L’odeur de mon tabac dans sa pipe me devenait étrangère. Ses mots sonnaient à peine contre mes tympans. Les passants me considéraient curieusement ; ils n’avaient pas un seul regard pour la vieille. Comme si j’étais seul sur le pavé, accroupi dans une position grotesque.
C’est ainsi que pour deux louis – et même davantage – j’héritai de l’histoire qu’à mon tour je m’en vais vous conter.
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Roman à paraître aux éditions Les 400 coups, janvier 2007
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05/12/2006
LE PASSEUR D'ÉTERNITÉ
(extrait)
C'est à Aix-en-Provence, lors d’une foire aux draps, que j’ai retrouvé Maladite. Et que j’ai définitivement perdu sa trace.
Le pavé crépitait sous mille semelles. Des attelages passaient, chargés d’étoffes colorées que l’on agitait dans la lumière. La ville sifflait, chantait et riait de toutes ses gorges ; de bas en haut ses rues vibraient comme pour reprendre souffle après les temps d’épidémie.
Lui, Maladite, se tenait au milieu de la Place aux Herbes, immobile. Il récoltait sans s’émouvoir les invectives des marchands occupés à déballer. J'eus peine à reconnaître dans ce pantin blafard mon ventripotent colosse d’autrefois. A son oeil vitreux, à sa lippe ballante, je crus le gaillard miraculé de la Grande Peste. Appelé par mon commerce d’œuvres d’art dans des régions plus clémentes, j’avais échappé à ce fléau qui avait dévasté le comté, crevant en plusieurs places le mur gigantesque érigé pour le contenir.
J’approchai de Maladite. Quoique le collectionneur de tableaux ne semblât guère me remettre, je me plantai sans hésiter devant son nez : conserver des atomes crochus avec un coquin de sa trempe valait bien quelques pincées d’honneur sacrifiées. A ma vue, son visage demeura stupide et renfermé tel une huître de grands fonds. Sa redingote pendait le long de son corps décharné, son jabot de dentelle s’effilait sur sa poitrine, de la poussière recouvrait son chapeau comme si des siècles avaient passé sur lui depuis notre dernière entrevue.
Des quolibets fusèrent autour de nous, aussitôt engloutis par la rumeur de la ville. Une main enroba mon épaule pour m'attirer doucement vers l'arrière. Une maraîchère goguenarde me souffla au creux de l'oreille :
"Ne l'importunez plus, Monsieur. Le malheureux n'a pas plus de raison qu'un moineau."
Puis la bonne fille s'éclipsa au milieu la foule bariolée.
De la halle aux poissons, qui se dressait devant nous, venait une odeur de mer et de sang. Des voix bouillonnaient à l’intérieur ; les marchandes scandaient à tue-tête les prises du jour, leur poids, leur provenance, leur prix, et, selon leur bonne envie, elles glissaient un compliment aguicheur que le client recevait dans l’oreille comme un bouquet.
Sur la place, les drapiers donnaient la réplique aux poissonnières. Cela fusait, cela ricochait. La place répondait à la halle, le boucan tenait tête au raffut. Le badaud qui s’aventurait ici en pareil moment pouvait féliciter le bon Dieu de lui avoir accordé deux oreilles.
Je considérais Maladite. Désespérément immobile, prostré, pitoyable. Autour de nous la foire élevait encore la voix. Le brave monde menait sa farandole sous le soleil comme aux plus beaux jours du siècle.
L’épidémie avait laissé des cicatrices que la vie, déjà, s’employait à effacer.
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Roman à paraître aux éditions Les 400 coups
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08/11/2006
PLACE AUX LIVRES !
Le salon du livre de Lyon, c'est sur la place Bellecour comme d'habitude, les 10, 11 et 12 novembre.
Thème de cette année : "Vive les femmes !"
Venez en nombre ! Amenez aussi vos hommes, pourquoi pas, ça peut les intéresser quand même...
09:51 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2)